Ph., G.AdC
CONTOURNER CHARYBDE ET ÉVITER SCYLLA
Dans l’effilochage incessant de l’écume de mer, elle tisse et détisse les fils de sa déchirure. Elle sombre parfois dans le lourd sommeil de l’oubli, anxieuse de n’en point ressurgir, et soulagée un moment d’étancher sa souffrance.
À ce petit jeu quotidien de dévidage et d’enroulement, elle se sait plutôt habile. Parfois, au détour d’un revers de trame, elle met bon ordre. Puis la petite douleur malicieuse renaît et se heurte à un nœud inédit de la chaîne. Elle chasse-croise alors le dessin de ses rêves, la dame de haute–lisse. Elle se tient en équilibre sur un fil, attentive aux mots qui la bercent ou la roulent-boulent au rebours du savant métier des émotions. Elle a beau se savoir bonne tisseuse, des jours et des rêves, il lui faut rester en émoi. Veiller aux écueils qui les guettent. Caboter au large des « rivières d’incompréhension » et de la « chute » irréversible « vers l’oubli ». Et, comme Ulysse, son ancêtre et son dieu, contourner Charybde et éviter Scylla.
Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli
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"Elle chasse-croise alors le dessin de ses rêves, la dame de haute–lisse. Elle se tient en équilibre sur un fil, attentive aux mots qui la bercent ou la roulent-boulent au rebours du savant métier des émotions. "
Très sensible. Très beau.
Rédigé par : agnès | 17 janvier 2008 à 14:29
Derrière ton voile, renouvelée
Mais elle voudra tout, patiente Pénélope
Charybde et puis Scylla,
Le grand cheval, le grand naufrage et les repos du vent
L’unique œil du Cyclope
Deux sirènes de plumes,
Et trois d’écailles,
Circé pleurant, Circé tremblant, Circé tout à la fois
Sage et cruelle,
Son double et sa rivale.
Car elle voudra tout, patiente Pénélope,
Qu’Il s’en aille, qu’Il revienne, et qu’Il meure en détour,
Mais juste un peu,
Afin qu’Il conte le voyage,
A ses mains abimées d’avoir compté les jours.
En tissant détissant son voile du midi
Tissu de femme des îles
Qui dit plus qu’il ne cache,
Ce sont les nœuds des dieux
Qu’elle noue et qu’elle arrache
Comme une trame à elle
Toujours recommencée -
En tissant détissant son voile de minuit
Tissu de femme pâle
A en perdre le sang
Ce sont les liens de l’Homme
Sous le regard des dieux
Qu’elle noue et qu’elle étale
Comme un butin précieux
« Raconte, Ulysse,
Ce voile que je tisse
Tapisserie intime du retour insulaire
Toile de mains fragiles qui affrontent la mer
Et qui sait
Le voyage,
Son début,
Son terme,
Et ce pourquoi nous fîmes
Ce que nous devions faire »
O, femme,
Derrière ton voile, renouvelée,
Qui connaît le Voyage
Mieux que l’homme au visage
Chaque fois découvert
Chaque fois naufragé
Emilie D.
Rédigé par : Emilie Delivré | 18 janvier 2008 à 15:39